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10 mai 2008 6 10 /05 /mai /2008 16:18

 

 

La Cité de l’architecture et du patrimoine

 

Un modèle pour la gestion des administration publiques

 

La Cité de l’architecture et du patrimoine a été érigée en établissement public industriel et commercial dépourvu d’agent comptable.

 

Ces termes barbares ne signifient pas grand chose pour ceux qui ne sont pas particulièrement au fait des modalités de gestion de l’Etat et des ses opérateurs. En réalité, à travers cet intitulé – et son acronyme EPIC- c’est une très discrète révolution dans les modalités de la gestion publique qui se produit. Si l’on devait le résumer en quelques mots, il suffirait de dire que l’on associe à une mission de service publique la robustesse et la simplicité des outils de gestion d’une entreprise.

 

En effet, si une administration d’Etat, par sa taille, ses effectifs, sa répartition territoriale justifie une organisation particulière dans un cadre qui – d’ailleurs – est aujourd’hui singulièrement remis en cause, un établissement public de petite ou de moyenne dimension se doit d’avoir une souplesse et une réactivité identique à celles des entreprises de même taille. De la même manière, il se doit de pouvoir rendre compte de son activité et de la qualité de sa gestion avec des outils budgétaires et comptables reflétant sans ambiguité une image fidèle de la réalité.

 

La création de la Cité de l’architecture et du patrimoine a donc constitué, pour son équipe de direction, un défi particulier (et sans réel précédent : sauf de très grosses structures comme le CEA ou la SNCF, la Cité est le premier EPIC sans agent comptable) puisqu’il s’est agit, de construire le volet scientifique et culturel d’une structure sans équivalent, associant patrimoine et création contemporaine dans un domaine peu connu du grand public, l’architecture, tout en veillant à bâtir le cadre général de ce qui est plus proche d’une moyenne entreprise que d’une administration. La Cité peut, en effet, s’appréhender, pour ce qui relève de sa gestion, comme une PME de 20M€ de chiffre d’affaires et de 130 salariés.

 

Ce défi était d’autant moins gagné d’avance que, comme dans la quasi totalité des domaines, les pionniers sont vus avec la plus grande circonspection (voire suspicion) par leurs partenaires, en premier lieu les autorités de tutelle qui – si elles étaient naturellement intéressées par l’expérience, l’observaient avec la méfiance propre à ceux qui entrent dans l’inconnu-.

 

De manière concrète, il a fallu en quelques semaines immatriculer la Cité au tribunal de commerce de Paris, mettre en place un système budgétaire, comptable et financier reposant sur une équipe, des procédures et des outils : toutes choses à mettre en place alors que, à l’origine, la feuille était blanche. Il a fallu choisir un commissaire aux comptes : en l’occurrence, pour lutter contre la méfiance qui vient d’être évoquée, il a été préféré une grande signature (Ernst and Young) permettant de garantir la qualité de l’exercice comptable.

 

Ensuite, le personnel d’un EPIC relève du droit du travail, nouvelle révolution dans la sphère publique : il a fallu bâtir un cadre conventionnel, mettre en place les structures normales de concertation avec les salariés (comité d’entreprise, délégués du personnel, CHSCT), penser les modalités concrètes de gestion des ressources humaines. De plus, les ressources humaines étant, par nature, restreintes, il faut absolument les utiliser pour répondre aux activités ‘cœur de métier’ en confiant à des spécialistes extérieurs les fonctions supports qui participent à l’activité générale. C’est pourquoi, il a été privilégié une solution de sous-traitance globale de ces fonctions supports (maintenance, entretien, propreté, sécurité, sûreté…) dans le cadre d’un contrat de facility management, a l’instar de ce que font la plupart des sociétés soucieuses de se concentrer sur ce qui leur est essentiel et de ne pas prendre en charge des métiers qu’elles ne connaissent pas.

 

Comme pour toute filiale vis à vis de sa maison mère, les obligations de reporting sont considérées comme excessivement lourdes. En l’espèce, la Cité n’a pas fait exception. Il a fallu construire un dispositif adapté aux exigences de l’ « actionnaire/client » qu’est l’Etat vis à vis de l’établissement, sachant que ce dernier n’est naturellement pas familier des documents simples et robustes que constituent les états financiers d’une entreprise (la notion de bilan n’est pas usitée par les autorités de tutelle et commence simplement à devenir un document considéré comme utile depuis la mise en œuvre opérationnelle de la Lolf). En revanche, l’exercice budgétaire est considéré comme l’alpha et l’oméga de la gestion dans un cadre excessivement complexe qui associe - d’une manière sans doute pas la plus efficace -, nomenclatures comptable et fonctionnelle.

 

C’est pourquoi, un instrument de type ERP (système global informatisé de gestion) a été mis en place (pour les connaisseurs, il s’agit d’extensions de la plate forme Sage par un dispositif intitulé Pheb).

 

Enfin, la fiscalité a également été une préoccupation particulière pour un établissement inscrivant dans son business plan, outre les subventions publiques, une part significative de recettes commerciales (tout particulièrement de locations d’espaces), mais également de mécénat. Ce schéma particulier a nécessité une expertise nouvelle car peu d’établissement s’inscrivent dans une telle dynamique.

 

En conclusion, assumer pleinement et prioritairement son caractère de service public en utilisant toute la puissance et la robustesse des outils de gestion privée afin de piloter et de rendre compte de son activité est ce que la Cité de l’architecture et du patrimoine a réalisé en quelques mois. Devenue aujourd’hui un établissement très spécial dans sa mission et dans son organisation, elle constitue un exemple de ce que peut et doit être la gestion des structures publiques au 21ème siècle. Elle permet de responsabiliser les équipes dirigeantes en leur donnant les moyens de leur politique, en facilitant la définition d’objectifs et en garantissant la réalité des résultats obtenus (et donc d’accompagner une logique de récompense ou de sanction). La mise en place de ces mécanismes constitue, de surcroît, l’accompagnement logique de la mise en œuvre de la Lolf puisque cette loi, en insistant sur la gestion de l’Etat, n’intègre pas celle de ses opérateurs. La Cité, à cet égard, représente un exemple de ce que devrait être la relation Etat-établissement public à l’avenir.

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